Focus sur le label zéro frais cachés

Depuis un peu plus d’un an, le marché du portage salarial bénéficie d’un label de qualité, le Label Zéro Frais cachés. Un label mis en place par une association de salariés portés, la Fedep’s. Ce label correspondant à nos valeurs et à nos pratiques, Plug&Pay a demandé à être audité pour l’obtenir dès sa création, en février 2020.

Pour en savoir plus sur le label, pour comprendre ce qu’est la pratique des frais cachés dans le portage salarial, et l’ampleur insoupçonnée que représenterait cette pratique, nous avons échangé avec Sylvain Mounier, créateur du Label, et lui-même ancien dirigeant de société de portage salarial.

Quelle est l’origine de la création du Label Zéro Frais Cachés, et … que sont les frais cachés ?

Pour resituer le contexte législatif, le portage salarial existe depuis de nombreuses années mais n’est régi par la loi que depuis peu. La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 en a codifié un certain nombre de dispositions dans les articles L. 1254-1 et suivants du Code du travail, avant d’être complétée par la convention collective de mars 2017 qui a donné le jour à la branche professionnelle du portage salarial.

A cette époque, je venais de céder les parts de mon entreprise de portage salarial, et dans le processus de vente, j’ai découvert la pratique des « frais cachés » de concurrents importants du marché. J’ai donc fondé en 2017 une association, la Fedep’s, association qui représente les utilisateurs du portage et contribue à diffuser l’information sur les bonnes pratiques. Les échanges avec les salariés portés et la collecte d’informations nombreuses et précises sur les pratiques constatées m’ont conduit à créer le label Zéro Frais Cachés, gage d’éthique et de transparence. Un certain nombre de sociétés de portage salarial plaçant ces valeurs au cœur de leurs pratiques ont rapidement adhéré au concept et fait partie des premières sociétés labellisées.

Peux-tu nous éclairer sur ce que sont les frais cachés ?

En portage salarial, le salarié porté confie son chiffre d’affaires à une entreprise de portage qu’il choisit. Celle-ci gère pour lui sa facturation, et lui reverse des prestations sous différentes formes : salaires et cotisations sociales associées, remboursements de frais, et autres avantages optionnels tel qu’un PEE, des CESU, etc.

Pour rémunérer ses services et couvrir ses charges, la société de portage prélève des frais de gestion sur le chiffre d’affaires encaissé. L’article 21.2 de la convention collective des salariés en portage salarial de mars 2017 précise : « En contrepartie de chaque prestation, le salarié porté disposera d’un montant disponible calculé comme suit : « Prix de la prestation HT encaissée par l’EPS [Entreprise de Portage Salarial] – frais de gestion = montant disponible. » Le chiffre d’affaires encaissé est donc ventilé en deux parties : les frais de gestion, destinés à l’entreprise de portage, et le montant disponible, mis à la disposition du salarié porté.

Il s’ensuit que le niveau des frais de gestion proposé par l’entreprise de portage est le principal critère de mise en concurrence, au regard des services proposés, utilisé tant par les futurs salariés qui cherchent à faire « porter » leur chiffre d’affaires, que par les entreprises clientes qui référencent des entreprises de portage. Afin d’accroître leur marge sans augmenter les frais de gestion affichés, certaines sociétés de portage ont eu l’idée de gonfler les charges patronales dans le bulletin de paie par rapport au coût réel. D’autres ont collecté des charges sur le compte d’activité de leurs portés à leur insu. Nous définissons les frais cachés comme des charges de l’entreprises prélevés en plus des frais de gestion affichés sans qu’ils s’en rendent compte. Or, ce sont 8 entreprises de portage sur 10 qui pratiquent ces frais cachés !

Concrètement, quand on parle de frais cachés, de quelle fourchette de % du CA ou du salaire brut les salariés peuvent-il se faire spolier ?

Les frais cachés peuvent représenter de 3% à 9% du salaire brut, augmentant parfois le coût des frais de gestion à l’insu des utilisateurs de plus de 50% par rapport à ce qui a été négocié.

Qu’en est-il actuellement des pratiques, y a-t-il des plaintes en cours ? Une trentaine de plaintes ont été déposées par des salariés de ces sociétés. Malgré tout la pratique continue, donc méfiance. 4 informations judiciaires viennent d’être ouvertes. Elles vont prendre du temps.

Intéressons-nous au label Zéro Frais Cachés. Que faut-il faire pour obtenir le label ?

La société doit s’engager au respect de la charte du Label, qui vérifie :

– Que l’entreprise respecte les obligations relatives aux entreprises de portage fixées par la loi (code du travail : articles L1254-1 à L1254-31) et en particulier la déclaration préalable d’activité, l’activité exclusive de portage salarial, la garantie financière et la souscription des assurances obligatoires – Que l’entreprise de portage ne prélève aucun frais cachés sur le chiffre d’affaires du salarié en portage, et qu’elle ne prélève aucun frais qui n’aurait fait l’objet d’un accord formel de sa part en connaissance de cause.

Le label est obtenu après un audit de la totalité des comptes de la société sur les 2 dernières années par les auditeurs financiers mandatés par la Fedep’s. Ensuite pour toutes les sociétés labellisées, la Fedep’s effectue une surveillance en continu.

Comment les salariés peuvent-ils vérifier si une société est labellisée ?

Par la présence du logo du Label dans la documentation de la société. Un outil en ligne permet également de vérifier une société de portage.

Qu’est-ce qui différencie le label zéro frais cachés des labels, normes ou codes de conduite mis en place par les syndicats professionnels ?

C’est un euphémisme que de dire que des normes et codes de conduites mises en place… par les sociétés mises en causes elles-mêmes… sont de peu de fiabilité !

Les deux syndicats professionnels représentant les entreprises de portage ont réagi à la création du Label Zéro Frais Cachés de le Fedep’s en lançant 2 labels concurrents. Sauf que les entreprises mises en cause par les plaintes… font parties des bureaux de ces syndicats professionnels… L’AFNOR qui a participé à l‘élaboration de l’un de ces deux labels a validé le process sans rentrer dans le fond du sujet.

Comment les sociétés labellisées se sont-elles globalement distinguées lors de la création du Label ? Et quel est le rapport au marché ?

Le marché a compris. Les salariés portés et leurs clients se tournent de plus en plus vers les sociétés labellisées. Et les sociétés éthiques se font labelliser. Les sociétés labellisées font une croissance de +40% en moyenne en 2020, là où les autres stagnent ou régressent, et 2021 va amplifier le mouvement, permettant d’aligner la profession sur ce standard.

Quel conseil donnerais-tu à un salarié porté pour choisir sa société de portage salarial ?

Choisir parmi l’une des 8 sociétés labellisées. Sinon la facture risque d’être plus salée que prévu.

Comment vois-tu l’évolution du marché du portage salarial et en quoi à tes yeux le label est-il important dans cette évolution ?

Le marché du portage peut s’élargir à d’autres professions et secteurs, avec une standardisation de la présentation des offres, un élargissement des services proposés. Mais avant, il faut moraliser les pratiques et sélectionner les acteurs. Le portage salarial est là pour sécuriser le marché de l’indépendance, tant du côté des indépendants grâce aux couvertures sociales, que du côté des entreprises clientes qui ne risque pas la requalification ou le délit de marchandage. A condition que l’intermédiaire de portage, tiers de confiance… soit bien de confiance !

Merci Sylvain Mounier pour ces éclairages et bravo pour la création du Label Zéro Frais Cachés, que, du point de vue des sociétés de portage salarial, nous voyons comme une barrière contre les pratiques anti-concurrentielles et le gage d’un marché sain. Ajoutons que du point de vue de Plug&Pay et aussi de plusieurs autres sociétés de portage salarial labellisées, pour qui une approche éthique du business est fondamentale, ce label constitue une réponse concrète et factuelle aux approches RSE de plus en plus mises en avant par les grands comptes, que ce soit concernant leurs propres pratiques, que celles de leurs parties prenantes.